L'Union Bordeaux-Bègles affronte le Stade Toulousain en finale de Top 14, samedi à 21h05. Le club girondin tentera de faire mieux que lors de la dernière finale, où Toulouse l'avait emporté 59-3. Les hommes de Yannick Bru partent plus confiants, après avoir sorti leur rival occitan en demi-finale de Champions Cup, mais ne veulent pas entendre parler de "revanche".
En matière de cicatrices comme de savoir-faire, tout est une question de temps. Dans la Ville Rose, on cherche encore à apaiser la douleur née du revers subi contre l'UBB en demi-finale de Champions Cup début mai (35-18), séisme pour un Stade Toulousain habitué à briller sur la scène européenne.
Les Rouge et Noir soignent encore leurs blessés, pensionnaires d'une infirmerie cinq étoiles où figure un des meilleurs joueurs du monde, Antoine Dupont, en bonne compagnie aux côtés de Peato Mauvaka, Ange Capuozzo ou encore le dernier venu Alexandre Roumat.
L'UBB a elle trouvé un baume idéal en pourfendant dans les grandes largeurs le maître haut-garonnais durant le printemps, moins d'un an après une humiliation sans précédent vécue au Vélodrome de Marseille, théâtre de la précédente finale du Top 14.
L'UBB en quête d'un doublé
Les hommes de Yannick Bru n'avaient pas existé, balayés 59-3. Pour les Girondins, assommés, il a fallu sécher les larmes, relever la tête et repartir au combat pour se donner à nouveau le droit de regarder Toulouse dans les yeux.
Les joueurs de l'Union ont enchaîné une première victoire à Ernest-Wallon en septembre (16-12), une autre à Bordeaux en mars (32-24) puis le triomphe en Champions Cup, jalon décisif sur la route d'un premier titre européen conquis à Cardiff fin mai. Les voilà à présent en lice pour un doublé, exploit seulement réussi par... Toulouse (1996, 2021, 2024) et Toulon (2014).
Les festivités ont été longues, mais la gueule de bois a été plus difficile à évacuer à Toulouse. Les coéquipiers de Thomas Ramos, absent en demi-finale de Champions Cup mais revenu de blessure en fin de saison, ont souvent balbutié leur rugby, peinant à se remettre de cet échec en demi-finale.
"Franchement, mes admirateurs vont encore me reprendre sur le sujet, mais on a vécu une saison en enfer", a lâché le manager Ugo Mola après la demi-finale remportée contre Bayonne vendredi dernier (32-25), faisant référence aux nombreuses blessures, mais aussi aux dossiers extrasportifs, de la mort du jeune espoir toulousain Medhi Narjissi en août dernier qui a ému tout le rugby français, jusqu'aux secousses de l'affaire Jaminet.
"Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais trois finales d'affilée en Top 14, ce n'est pas neutre. Amusez-vous à regarder combien d'équipes ont fait ces fameux triplés", a lancé Mola, bien placé pour savoir que les derniers à avoir réalisé une telle performance portaient les couleurs du Stade Toulousain, avec même quatre titres consécutifs de 1994 à 1997.
Pas d'excès de confiance au Port de la Lune
De quoi mesurer le poids de l'Histoire pour une génération souvent appelée à égaler, voire dépasser, ses glorieux aînés.
Pour ce qui est du savoir-faire, elle s'est à chaque fois montrée sûre de sa force lorsque viennent les finales : les Thomas Ramos, Romain Ntamack et autres Julien Marchand n'en ont perdu aucune sur les six disputées dans leur carrière.
L'opposition semble pourtant plus que féroce cette fois, incarnée par des Bordelo-Béglais décomplexés, dans une dynamique étincelante, et qui ont écarté sans trembler Toulon en demi-finale (39-24).
Pas d'effusions de joie pourtant au moment de célébrer la qualification, après avoir dominé Toulon avec la manière 39-24, alors que le Brennus fuit le Port de la Lune depuis 1991.
"C'était une demi-finale qui faisait un petit peu office de finalité", a dit le pilier Jefferson Poirot, en conférence de presse vendredi 27 juin, avant d'ajouter : "c'est vrai qu'on avait envie de ramener le club là où on l'avait laissé l'an dernier douloureusement, mais c'était une étape et la continuité et la vérité sera demain (samedi)".
"L'année dernière, on a eu beaucoup d'euphorie. On en a pris 60 au final", a rappelé froidement le capitaine Maxime Lucu.
"Pas de revanche"
Le capitaine de l'Union Bordeaux-Bègles a dit ne pas vouloir entendre parler d'une "revanche", au risque de "se focaliser sur ça parce que ça engendre des émotions qui peuvent prendre le pas sur la performance demain (samedi)".
"On sait très bien ce qu'il y a eu l'année dernière, je pense qu'on l'a pas mal rabâché cette saison", a ajouté le demi de mêlée des Bordelo-Béglais en conférence de presse.
Une position partagée par son manager Yannick Bru : "On a bien compris que ce match allait être présenté comme une revanche, mais on n'a jamais parlé de ça parce que la revanche appelle à la rigidité, à la colère, à des choses qui aveuglent un petit peu, et je crois qu'au contraire, dans une finale, ce qui est important c'est d'avoir les yeux grands ouverts".
Le duel Louis Bielle-Biarrey — Romain Ntamack aura bien lieu
Portés par un pack désormais capable de rivaliser, guidés par une charnière Lucu-Jalibert au sommet de son art et bonifiés par une ligne arrière de niveau international, les Bordelo-Béglais pourront en plus compter sur le retour de leur ailier Louis Bielle-Biarrey.
Absent en demies en raison d'une commotion et incertain en début de semaine, il est bien présent dans le groupe.
Côté toulousain, l'ouvreur Romain Ntamack, en souffrance avec son genou gauche depuis sa rupture des ligaments croisés à l'été 2023, compte "serrer les dents" pour conclure une saison en dents de scie avant de se faire opérer cet été.
Le demi d'ouverture français de Toulouse Romain Ntamack passe le ballon lors du match de rugby du Top14 français entre le Stade Toulousain et le Stade Français au Stadium de Toulouse à Toulouse, le 29 décembre 2024. © Matthieu Rondel, AFP
"C'est vrai que depuis le début de la saison, c'est un point qui m'a handicapé, donc j'essaie de m'accrocher", affirmait le demi d'ouverture après la rencontre où il a livré une prestation prometteuse à une semaine de la finale contre Bordeaux-Bègles.
Souvent présentés comme un gestionnaire pour le Toulousain et un créatif pour le Bordelo-Béglais, Louis Bielle-Biarrey et Romain Ntamack seront face à face sur la pelouse du Stade de France.
Le Girondin rêve d'un premier sacre national alors que Romain Ntamack visera un cinquième Brennus à 26 ans, pour conclure une saison rendue "particulière" pour les Rouge et Noir par les nombreuses blessures et les affaires extra-sportives.
"Si l'issue est belle à la fin du week-end prochain, elle peut être peut-être la plus belle qu'on ait jamais vécue", a souligné le Toulousain, qui a remporté les cinq finales qu'il a disputées.
Avec AFP