L'objectif de réduction des émissions de CO₂ pour 2040 sera dévoilé, mercredi, par la Commission européenne. Emmanuel Macron critique les méthodes employées et un calendrier trop serré. Surtout, le chef d'État tient à la préservation de l'énergie nucléaire. Pour l'ONG Greenpeace, la France "met en danger" l'ambition climatique européenne.
Si les 27 pays de l'Union européenne semblent s'accorder pour atteindre la neutralité carbone en 2050, tous ne sont pas d'accord sur les étapes pour y parvenir.
Une compensation intégrale des émissions implique de nombreuses transformations dans l'industrie comme dans le quotidien des Européens : électrification des voitures, sortie progressive des énergies fossiles, rénovation énergétique des bâtiments....
Après de long mois de flottement, Bruxelles mettra, mercredi 2 juin, sur la table une trajectoire pour 2040, soumise aux États membres et aux eurodéputés.
Réduire les émissions de 90 %
L'exécutif européen pourrait maintenir son objectif, recommandé il y a plus d'un an, de réduire les émissions de 90 % en 2040 par rapport à 1990.
Mais dans une Europe de plus en plus à droite, la Commission est ouverte à des "flexibilités". Peut-être en prenant en compte dans le calcul le rôle des puits de carbone dans l'UE mais aussi le financement de projets vertueux à l'étranger, en dehors du continent.
Bruxelles espère que l'objectif 2040 sera approuvé avant la COP30 de Belem, en novembre au Brésil.
Certains États critiquent ouvertement les ambitions climatiques de l'Europe comme la Hongrie du nationaliste Viktor Orban ou la République tchèque, qui défend son industrie lourde.
L'Italie de Giorgia Meloni suggère quant à elle de s'en tenir à une baisse des émissions de 80 ou 85 % en 2040.
La France tient au nucléaire
D'autres soutiennent la Commission, comme l'Espagne ou le Danemark, qui prend la présidence tournante de l'UE début juillet, pour six mois.
La France a opté de son côté pour une position plus ambiguë. Elle ne s'oppose pas directement aux 90 % mais critique la méthode employée.
Paris reproche à la Commission d'afficher un objectif très ambitieux, sans préciser comment y parvenir.
Emmanuel Macron en a fait un des sujets du sommet européen, jeudi soir à Bruxelles. L'Élysée réclame des garanties sur la décarbonation de l'industrie et un soutien à l'énergie nucléaire, l'une des clés de cette négociation.
Le président français "met beaucoup de pression" sur "la neutralité technologique" — pour que Bruxelles mette sur un pied d'égalité le nucléaire et les énergies renouvelables, explique l'eurodéputé centriste Pascal Canfin.
"Ne nous surcontraignons pas"
Emmanuel Macron critique aussi le calendrier choisi. La cible 2040 ne peut être adoptée "en catimini lors d'un débat technique fait en quelques semaines". "Ça doit être un débat démocratique à 27", a-t-il lancé.
Du point de vue des obligations internationales, l'Élysée souligne que l'UE doit seulement présenter une trajectoire 2035 — et pas 2040 — à la COP30 au Brésil cet automne.
"Ne nous surcontraignons pas", "si on a (un objectif 2040) pour Belem, super, si cela doit prendre plus de temps, prenons le", a déclaré le président français.
Difficile à dire mais le temps presse avant la COP.
La Commission espère que les flexibilités promises en 2040 permettront d'obtenir le feu vert, à la majorité qualifiée, des États membres et un vote favorable du Parlement européen sur cet amendement à la loi climat.
La France "met en danger"
Le soutien des sociaux-démocrates et du centre paraît acquis, et tout dépendra de la droite, en position de faiseur de roi depuis les élections de juin 2024.
Si le calendrier est trop serré avant Belem, l'UE pourrait comme Paris le suggère se contenter de fixer sa trajectoire 2035 pour la COP. La procédure est plus facile : un simple accord des États membres suffit.
Mais la Commission a souvent expliqué que 2035 et 2040 étaient intimement liés.
En attendant, les ONG fustigent l'attitude de la France, qui "met en danger" l'ambition climatique européenne, selon Greenpeace.
La France doit "rester ferme" dans son engagement climatique, réclame aussi la diplomate Laurence Tubiana, qui fut "l'architecte" de l'Accord de Paris adopté en 2015.
"L'Europe a été une région ambitieuse et leader. Ce leadership est d'autant plus nécessaire aujourd'hui en raison de la situation géopolitique", souligne pour sa part Ana Toni, directrice générale de la COP de Belem.
Avec AFP