La Russie n’en est pas à ses premiers avis de recherche concernant des personnalités étrangères, mais l’un des derniers en date vaut le détour. Moscou a ciblé mardi 13 janvier plusieurs responsables politiques baltes, dont la Première ministre estonienne, Kaja Kallas – la première cheffe de gouvernement étranger jamais recherchée par la police russe. - ecrit France 24.
Les autorités ont émis des fiches de recherche contre "des gens responsables de décisions qui sont une insulte à l'Histoire [et] qui mènent des actions hostiles contre la mémoire historique" de la Russie, a justifié mardi le porte-parole de la présidence, Dmitri Peskov.
Une source sécuritaire russe a aussi affirmé auprès de l'agence de presse d'État TASS que Kaja Kallas – de même que le secrétaire d’État estonien, Taimar Peterkop – est poursuivie pour "destruction et dégradation de monuments [d'hommage] aux soldats soviétiques" de la Seconde Guerre mondiale. Le ministre lituanien de la Culture, Simonas Kairys, est quant à lui recherché pour "destruction de monuments".
"Ces avis de recherche sont pour la Russie une façon de dire : 'Vous relevez de la législation russe et nous vous considérons comme faisant toujours plus ou moins partie de l'Empire russe.' C'est juste de la provocation et une insulte à l'égard d'un pays indépendant et autonome", explique l’historienne Cécile Vaissié, professeure d'études russes et soviétiques à l'Université Rennes-II et chercheuse au CERCLE à l'Université Nancy II.
Moscou a déjà lancé de tels avis de recherche par le passé, notamment à l’encontre de l’écrivain en exil Boris Akounine. Celui qui a condamné l’invasion russe de l’Ukraine est notamment accusé de "terrorisme" et a été placé sur la liste des "agents de l’étranger" tenue par le Kremlin. La liste est loin de s’arrêter à ces quelques cas.
Le porte-parole de Meta et un agriculteur ukrainien sur la liste russe
Plus de 96 000 personnes – dont plus de 31 000 Russes et près de 4 000 Ukrainiens – font l’objet d’une fiche de recherche, selon le média russe en exil Mediazona, qui a publié lundi 12 janvier une compilation de différentes bases de données du ministère russe de l’Intérieur.
Et le spectre des personnes ciblées est large. On retrouve notamment dans cette liste Andy Stone, le porte-parole de Meta (maison mère de Facebook, WhatsApp ou encore Instagram), accusé de "soutien au terrorisme". Le président polonais de la Cour pénale internationale, Piotr Hofmanski, fait aussi partie des personnalités poursuivies. Son nom a été ajouté à liste après que la CPI a délivré un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine en mars 2023, en raison du rôle joué par le président russe dans la déportation d’enfants ukrainiens.
Sans surprise, au regard du conflit en cours, la majorité des étrangers visés par les services de police russes sont des Ukrainiens. Mediazona a identifié au moins 176 personnes "poursuivies par contumace" pour diverses raisons : participation à la guerre, liens avec les autorités ukrainiennes, ou encore pour leurs déclarations publiques. C’est à ce titre qu’on retrouve dans la liste l’ancien commandant en chef de l’armée ukrainienne, Valery Zaloujny, ainsi… qu’un fermier ukrainien qui a soutenu sur les réseaux sociaux le président ukrainien Volodymyr Zelensky en tenant des propos peu amènes à l’encontre de Vladimir Poutine.
Quelque 59 députés lettons – soit les deux tiers du Parlement – font aussi l’objet d’un avis de recherche après avoir voté, en mai 2022, la sortie d’un accord avec la Russie portant sur la préservation des monuments commémoratifs. Cette décision, prise quelques mois après le début de la guerre en Ukraine, a notamment conduit à la démolition d’un monument datant de l’ère soviétique dans la capitale, Riga.
"Tous ces avis de recherche donnent l’impression d’un grand fourre-tout, d'un gros paquet de personnalités supposément hostiles à la Russie et contre lesquelles elle agit", relève Marie Dumoulin, directrice de programme au Centre de réflexion du Conseil européen pour les relations internationales.